Un différend dans lequel le réclamant n’accepte pas la somme retournée par l’intimé et le montant convenable d’un tel retour calculé en fonction des résultats de l’inspection et de sa valeur marchande réelle.
La Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes (la DRC) a créé une série de résumés de décisions arbitrales précédemment rendues. Ces précis aident les membres à mieux comprendre les normes et le fonctionnement des règles concernant le règlement des différends de la DRC qui s’appliquent lors d’un différend.
Ces règles stipulent notamment que tout arbitrage administré par la DRC doit demeurer privé et confidentiel. En conséquence, nous omettons le nom des personnes, arbitres et entreprises en cause. Il convient en outre de rappeler que la DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus; elle ne prend pas part aux audiences. Ces précis sont donc produits à partir des seules notes de l’arbitre ayant entendu le litige et peuvent ne pas inclure d’importantes informations ayant été révélées lors de soumissions écrites ou de dépositions orales.
Résumé
Cette décision arbitrale porte sur un différend entre un réclamant de la Pennsylvanie aux États-Unis (le vendeur) et un intimé de Montréal au Canada (l’acheteur) concernant deux envois d’oignons espagnols jaunes. Il s’agissait de déterminer si le réclamant avait accepté la somme retournée offerte par l’intimé et, aussi, ce qui aurait constitué un retour raisonnable en fonction des résultats de l’inspection et de la valeur marchande. S’appuyant sur les faits recueillis et les règles de la DRC, l’arbitre a conclu qu’il y avait suffisamment d’éléments venant étayer l’acceptation par le réclamant du retour au montant offert par l’intimé pour seulement un des deux envois. Dans le deuxième cas, l’arbitre a statué que l’intimé n’avait pas fourni suffisamment d’éléments pour justifier le retour offert au réclamant. En outre, les résultats de l’inspection ne corroboraient pas davantage le montant offert pour ce retour.
Ce précis présente ci-dessous une brève analyse des faits marquants de la décision arbitrale, de ses implications et des éléments à retenir pour les différends commerciaux internationaux semblables.
Cause : Dossier de la DRC no #20535 – Parties provenant des États-Unis et du Canada
Les Faits :
Le réclamant, de la Pennsylvanie, a vendu deux envois d’oignons espagnols jaunes à l’intimé, situé à Montréal.
Le premier envoi a consisté en 850 sacs, pesant 50 lb chacun, vendu FAB Idaho au prix de 7,25 $US (facture #50432 et bon de commande #60298.) Le chargement a été expédié le 11 décembre et est arrivé le 15 du même mois.
Une inspection de l’ACIA a été demandée et réalisée le 16 décembre, révélant un total de défauts d’état de 9%. Y apparaissaient notamment 1% de coupures, 2% de tuniques translucides, 1% de tuniques aqueuses et 5% de pourriture.
Le second envoi était également constitué de 850 sacs de 50 lb chacun, vendu FAB Idaho au prix de 8,00 $US (facture #50433 et bon de commande #60308.) Le chargement a été expédié le 18 décembre et est arrivé le 20 du même mois.
Une inspection de l’ACIA a été demandée 21 décembre et exécutée le 23, montrant un total de défauts d’état de 10%, composé par 3% de tuniques translucides et 7% de pourriture.
Une fois les inspections complétées, l’intimé en a transmis les résultats par courriel au représentant des vente du réclamant. Le 23 décembre, le réclamant a répondu demandant à l’intimé s’il voulait les réemballer et s’il était intéressé à régler l’affaire. L’intimé lui a répondu le même jour déclarant qu’il ne pouvait régler l’affaire avant d’avoir vendu le produit. Cependant, en raison de l’importante pourriture (aussi élevée que 25%), il croyait ne pouvoir récupérer que le coût du transport. L’intimé a ensuite appelé le réclamant par téléphone affirmant ne disposer que de ressources limitées pour vendre le produit, tout en lui suggérant une fois de plus de le reprendre pour minimiser les pertes du producteur.
Le 27 décembre, le réclamant a envoyé un courriel à l’intimé pour s’enquérir des retours sur les oignons.
Le 31 décembre, l’intimé a répondu par courriel en indiquant qu’il allait lui retourner 1,00 $US le sac, tout inclus, auquel étaient attachées des factures révisées pour chacun des deux lots, permettant au réclamant d’effectuer le paiement.
Le 8 janvier, le réclamant a envoyé un courriel à l’intimé l’avisant qu’étant donnés les résultats de l’inspection, la valeur marchande et les dommages, le retour devrait plutôt se situer entre 5,00 et 6,00 $US FAB, et que, fort probablement, ils n’allaient pas accepter moins que cela. L’intimé a répondu le même jour, déclarant que le produit était hors catégorie et avait été vendu pour minimiser les pertes aux meilleurs prix possibles considérant les hauts taux de pourriture des deux envois. Il a ensuite confirmé que le paiement au prix de 1,00 $US le sac avait été effectué et qu’aucun montant additionnel ne serait versé.
Le 23 janvier, l’intimé a reçu un courriel du réclamant indiquant que le producteur avait accepté le retour de 1,00 $US le sac pour le bon de commande #60308 et avait émis une note de crédit, qui était attachée au courriel.
Sommaire de l’analyse et du raisonnement de l’arbitre :
Après avoir considéré les arguments et les soumissions des deux parties, l’arbitre a porté son attention sur les éléments pertinents exerçant une influence sur la conclusion et le règlement du différend. Tout fait ou argument que l’arbitre n’a pas couvert dans son analyse n’avait aucune incidence sur la détermination de la sentence arbitrale.
- Les factures #50432 et #50433 confirment des transactions de vente. Aucun autre accord écrit ne semblant exister entre les deux parties, ce sont les règles de la DRC qui s’appliquent puisque les parties étaient toutes deux membres de la DRC au moment où est survenu le différend.
- Il appert que le réclamant agissait à titre de marchand à commission pour le compte d’un producteur dans chacune des deux ventes en cause.
- Les parties n’ayant pu montrer qu’il y avait accord sur une catégorie particulière, ce sont les directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC qui s’appliquent par défaut. Or, en vertu de ses normes pour les oignons, la tolérance maximale pour la pourriture est de 4%; le taux relevé pour le produit excédait donc cette tolérance.
- En ce qui concerne la facture #50433 et le bon de commande #60308, les faits présentés montrent que le 23 janvier 2020, les parties se sont entendues sur un retour de 1,00 $US le sac.
- En revanche, aucune preuve n’a été soumise à l’égard de la facture #50432 et du bon de commande #60298 qui aurait pu démontrer que les parties s’étaient mises d’accord sur une réduction de prix, ou qui expliquerait pourquoi le taux de pourriture relevé (7% – « montrant pour la plupart de la pourriture ») justifiait une réduction du prix à 1,00 $US le sac.
- Il incombe à l’intimé de pouvoir soutenir le montant des sommes retournées. Dans ce cas-ci, l’intimé n’a toutefois pas fourni de comptabilisation qui aurait permis à l’arbitre d’évaluer les ventes, le moment où elles ont été conclues et les prix de vente.
- En conséquence, l’arbitre a rejeté le retour de l’intimé pour les produits correspondants à la facture #50432 et au bon de commande #60298.
- Selon le site Web d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, les prix pour des oignons conventionnels comparables s’établissaient à :
- La réclamation pour dommages du réclamant dans cet arbitrage s’élève à 6,50 $US le sac FAB (moins que le prix de vente original de 7,25 $US le sac), ce qui est inférieur aux prix du marché disponibles pour des produits comparables de catégorie Canada no 1 durant la période correspondante.
- En conséquence, le prix total de la facture #50432 et bon de commande #60298 est fixé à 5 525,00 $US. Puisque 850,00 $US avaient déjà été versés, l’intimé devait donc un solde de 4 675,00 $US au réclamant.
- En outre, les factures du réclamant indiquaient que l’acheteur doit défrayer tous les coûts liés au recouvrement. En conséquence, l’intimé a dû payer au réclamant 600,00 $US additionnels pour couvrir le frais de dépôt.
Sommaire de la décision arbitrale rendue :
- En fonction de son analyse et raisonnement, l’arbitre en a décidé ainsi :
- La réclamation du réclamant concernant la facture #50433 et bon de commande #60308 est REJETÉE.
- L’intimé n’a pas fourni de preuves de vente ou de réclamation pour la facture #50432 et bon de commande #60298.
- L’intimé n’a pas versé le paiement pour la facture #50432 et bon de commande #60298.
- L’intimé doit payer au réclamant 4 675,00 $US en dommages généraux et 600,00 $US pour les frais de dépôt à la DRC, avant le 29 août 2020.
- Toutes les autres demandes ont été REJETÉES.
Commentaires de la DRC :
Dans le secteur des fruits et légumes, lorsqu’un acheteur décide de réclamer des dommages pour des produits reçus en mauvais état, il a la responsabilité d’expliquer ses calculs pour en arriver au montant du retour proposé. Bien qu’une comptabilité détaillée ne soit requise que pour les transactions en consignation, fournir une comptabilisation des ventes est la meilleure méthode pour appuyer une réclamation visant des dommages résultants d’un bris de contrat ou d’un produit reçu en mauvais état.
En soumettant sa comptabilisation des ventes, il est conseillé qu’elle soit détaillée, c’est-à-dire que’elle devrait inclure la date, le montant et le prix de vente de chacun des items liés à l’envoi en question, moins la déduction des dépenses admissibles comme le coût du transport, les inspections, les frais de courtage et toute autre dépense dont ont convenue les parties. Une comptabilisation détaillée des ventes montre non seulement le retour net mais démontre en outre si le produit a été écoulé promptement.
En l’absence d’une comptabilisation des ventes, sachez qu’il existe d’autres méthodes pour déterminer la juste valeur marchande du produit. L’une de ces approches consiste à réduire la facture d’un pourcentage similaire au taux de défauts totaux révélé par l’inspection fédérale, bien que cela puisse parfois ne pas refléter parfaitement la perte réelle.
Ressources additionnelles :
Pour accéder à la version intégrale de la décision de l’arbitre, cliquez ici.
Les obligations du destinataire :
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