Dans ce différend, l’arbitre conclut qu’il y eu acceptation du produit par l’intimé puisque celui-ci l’a déchargé et dérouté. En outre, l’arbitre n’a trouvé aucune évidence d’un bris de contrat par le réclamant. Bien que l’intimé ait promptement informé le réclamant de l’arrivée du produit à des températures élevées, toute la documentation soumise indiquait qu’il avait été chargé aux températures appropriées au point d’expédition et qu’il a été exposé à des températures indésirables durant son transport. En outre, l’intimé avait omis de requérir une inspection fédérale qui aurait prouvé le mauvais état du produit à son arrivée ou les températures trop élevées.
La Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes (la DRC) a créé une série de résumés de décisions arbitrales précédemment rendues. Ces précis aident les membres à mieux comprendre le fonctionnement des Règles et Normes commerciales de la DRC qui s’appliquent lors d’un différend.
Ces Règles concernant le règlement des différends stipulent notamment que tout arbitrage administré par la DRC doit demeurer privé et confidentiel. En conséquence, nous omettons le nom des personnes, arbitres et entreprises en cause. Il convient en outre de rappeler que la DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus; elle ne prend pas part aux audiences. Ces précis sont donc produits à partir des seules notes de l’arbitre ayant entendu le litige et peuvent ne pas inclure d’importantes informations ayant été révélées lors de soumissions écrites ou de dépositions orales.
RÉSUMÉ
La décision arbitrale porte sur un différend entre des parties provenant des États-Unis et du Canada à l’égard de la conformité du rejet en temps opportun du produit par l’intimé et d’un potentiel bris de contrat par le réclamant.
Considérant les faits lui ayant été soumis et tenant compte des règles de la DRC, l’arbitre en est venu à la conclusion que le geste de dérouter le produit en montrait l’acceptation par l’intimé. Il a en outre conclu que l’intimé n’a pas réussi à démontrer que le réclamant était en bris de contrat pour avoir expédié des choux-fleurs en mauvais état.
Ce précis aborde les éléments marquants de la décision arbitrale et ses implications pour les différends commerciaux internationaux.
CAUSE : Dossier de la DRC no 19139 – Parties provenant des États-Unis et du Canada
LES FAITS :
Le 1er mars 2013, le réclamant a vendu un chargement de choux-fleurs à l’intimé en réponse à quatre bons de commande différents (PO#2000008664, PO#611312, PO#611311 et PO#611314). Au total, le montant de cet achat s’élevait à 17 273,60 $US.
Chacun des quatre billets de ramassage et des quatre connaissements ainsi que la feuille de chargement ont tous été signés par le conducteur. Tous les documents suggéraient une température de la pulpe de 36 oF au moment du chargement. En outre, il y avait quatre thermographes à l’intérieur du camion.
Le chargement est arrivé le 6 mars et a été rejeté en raison de températures trop élevées à l’arrivée. Après une vérification de l’information disponible et des températures enregistrées, l’équipe de contrôle de la qualité de l’intimé a conclu à une réclamation liée au transport.
L’unité réfrigérante avait été réglée en mode sentinelle cyclique, contrairement aux instructions de l’intimé qui précisaient de la régler en mode continu. Les thermographes ont confirmé que le produit avait été exposé à des températures trop élevées durant son transport.
Une inspection de l’ACIA a été demandée et réalisée le 11 mars 2013, soit cinq jours après l’arrivée du produit. Le certificat d’inspection montrait que 43 % du produit était atteint de décoloration brune.
Le réclamant a rapporté avoir reçu 8 736,00 $US de la vente des choux-fleurs. Ce montant fut appliqué contre la facture originale, laissant un solde impayé de 8 537,60 $US. De surcroit, le réclamant a déduit un montant additionnel de 873,60 $US pour un achat non lié à cette affaire, portant le total de la réclamation à 9 411,20 $US.
Sommaire de l’analyse et du raisonnement de l’arbitre :
De manière à déterminer si l’intimé a une part de responsabilité pour le chargement de choux-fleurs qu’il a acheté du réclamant, il faut essentiellement répondre à deux questions :
- L’intimé a-t-il rejeté les choux-fleurs reçus du réclamant?
- Le réclamant a-t-il commis un bris de contrat?
En réponse à la première question, l’intimé a convenu avoir déchargé les choux-fleurs à leur arrivée. En vertu de l’article 19 des normes commerciales de la DRC, « acceptation » signifie tout geste par un consignataire indiquant qu’il accepte l’envoi, comme le déroutement ou le déchargement, sauf pour fins d’inspection sous la supervision d’un inspecteur reconnu.
Le formulaire « FOB Rejection Form » soumis par l’intimé montre que son spécialiste de l’assurance de la qualité a mesuré la température de la pulpe des choux-fleurs après leur déchargement. Cela ne constitue pas une inspection par un inspecteur reconnu (voir l’article 19 des normes commerciales de la DRC). Les documents soumis par les deux parties montrent que l’intimé a aussi rechargé et redirigé les choux-fleurs Le réclamant déclare que c’est n’est pas lui qui a décidé du déroutement et l’intimé n’a plus répondu. Il semble donc que l’intimé a accepté les choux-fleurs lorsqu’il a dérouté la cargaison.
Pour les raisons susmentionnées, l’arbitre a conclu que l’intimé avait bel et bien accepté les choux-fleurs. Les rejeter après les avoir acceptés est considéré comme étant déraisonnable en vertu de l’article 19 des normes commerciales de la DRC et comme étant une conduite déloyale en vertu de l’article 1 – Règles générales de conduite de ces mêmes normes. En outre, l’article 2-607 du Code commercial uniforme (UCC) stipule que l’acheteur qui a accepté les marchandises doit payer le prix convenu, moins toute pénalité pour bris de contrat par le vendeur.
Le réclamant a-t-il commis un bris de contrat?
Les choux-fleurs ont été vendus FAB, ce qui signifie que le vendeur est tenu de livrer le produit dans un état convenable à bord du transporteur et que l’acheteur assume les risques à partir du moment de l’expédition.
L’intimé a déclaré que les choux-fleurs étaient arrivés avec la pulpe montrant des températures élevées puis a ensuite estimé qu’il s’agissait d’un enjeu de transport. Le spécialiste du contrôle de la qualité de l’intimé a fait état de ces températures trop élevées, arguant que les choux-fleurs n’avaient pas été adéquatement réfrigérés au préalable.
Le réclamant a répondu que les choux-fleurs avaient été expédiés à une température de 36 oF, tel qu’indiqué par la signature du transporteur sur les connaissements. L’intimé a alors poursuivi en déclarant que la température avait été pré-imprimée, suggérant qu’elle n’avait pas été vérifiée mais aucune déclaration du transporteur à cet effet n’a été soumis. D’autre part, les documents additionnels soumis montraient tous que l’envoi avait été réfrigérés au préalable à la température appropriée.
Le réclamant a retorqué que les températures élevées relevées durant le transit étaient dues à des conditions anormales, en particulier en lien avec l’unité réfrigérante fonctionnant en mode sentinelle cyclique plutôt qu’en mode continue tel que recommandé pour le transport des fruits et légumes frais.
Les données téléchargées de l’appareil Thermo King montrent que l’unité a sans cesse fonctionné en mode sentinelle cyclique durant les quatre jours qu’a duré le transit des choux-fleurs. Le transporteur se trouvant en défaut d’avoir transporté les choux-fleurs selon les instructions de l’intimé établit clairement que les conditions de transport n’étaient pas convenables. Puisque les conditions de transport n’étaient plus normales, la garantie de conditions d’expédition convenables devenait donc caduque. Ainsi, l’intimé n’a pu prouver que le réclamant était en bris de contrat. Il faut ajouter que même dans l’éventualité où la garantie était demeurée en vigueur, l’intimé n’a pas fourni de preuve étayant la qualité des choux-fleurs à leur arrivée pour démonter le bris de contrat.
Sommaire de la décision arbitrale rendue :
L’arbitre a ordonné à l’intimé de payer au réclamant 8 537,60 $US, ainsi que les 600,00 $US de frais de dépôt, dans les 30 jours de la date de cette décision et sentence arbitrale.
Commentaires de la DRC :
Comme acheteur ou destinataire dans une transaction Franc à bord (FAB), il est essentiel de connaître les démarches à suivre lorsque vous recevez un produit qui ne rencontre pas les dispositions contractuelles ou les directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC. Dans une transaction FAB, l’acheteur ou le destinataire devient propriétaire de l’envoi au moment où le produit a été chargé dans le camion du transporteur et assume tous les risques durant le transit, y compris l’inaptitude du transporteur à régler convenablement l’unité réfrigérante.
Si vous vous apercevez durant le déchargement que le produit ne rencontre pas les dispositions contractuelles ou les directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC, vous avez le droit de rejeter l’envoi. Pour conserver ce droit, vous devez immédiatement rechargé le produit dans le camion et demander une inspection gouvernementale, ou encore une inspection privée si les parties en ont convenu ainsi. Si le rapport d’inspection confirme que le produit ne rencontre pas les normes des directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC ou les dispositions contractuelles, vous avez trois options : vous pouvez rejeter le produit et le retourner à l’expéditeur, vous pouvez renégocier les termes de votre entente ou vous pouvez réclamer des dommages s’il est impossible d’en arriver à un nouvel accord renégocié et que le rejet de l’envoi n’est plus possible.
Nous aimerions vous rappeler que la procédure pour rejeter correctement un envoi apparait à l’article 10 des normes commerciales de la DRC :
- Ne déroutez pas un envoi en le transférant à un endroit différend de ce qui apparait sur le connaissement.
- Ne déchargez pas un envoi sauf à des fins d’inspection.
- Donnez avis du rejet dans un délai raisonnable.
Les expéditeurs ont la responsabilité de satisfaire aux dispositions contractuelles et de veiller à ce que l’envoi soit livré à la destination indiquée. Si vous déroutez l’envoi pour l’envoyer à un autre endroit que celui indiqué, vous avez unilatéralement dévié du contrat original et automatiquement mis fin à vos droits de rejet. Bien que puissiez quand même réclamer des dommages, vous devrez assumer le fardeau de la preuve, en démontrant que les dommages au produit auraient été similaires s’il avait été livré à sa destination originale. Quand un envoi est accepté – soit par son déchargement, soit par déroutement – l’acheteur porte le fardeau de la preuve. Soyez donc avisé que toute déviation à la destination originale, pour quelque raison que ce soit, constitue l’acceptation du produit.
Dans le cas présent, en se rendant compte durant le déchargement que le produit était arrivé à des températures de la pulpe trop élevées, l’intimé aurait dû recharger le produit dans le camion et requérir une inspection de sa température et de son état. L’étape suivante aurait été d’aviser toutes les parties en cause d’un problème potentiel de température et d’état, et de son intention de rejeter l’envoi. Après la confirmation des températures trop élevées et du mauvais état du produit par l’inspection, l’intimé aurait alors pu procéder au rejet de l’envoi.
Un rejet à l’expéditeur n’est possible que si les températures et la durée du transit ont été convenables. Un rejet au transporteur doit être noté dans le connaissement, y compris une description des problèmes encourus. Dans ce cas-ci, l’intimé a choisi de décharger le produit puis décidé de l’envoyer ailleurs, faisant ainsi en sorte de l’accepter. En outre, puisque l’intimé n’a pas demandé une inspection dans un délai opportun, il n’a pas pu prouver le mauvais état de l’envoi et, en conséquence, n’a pu réclamer les dommages auxquels il aurait eu droit.
Ressources additionnelles :
- Pour accéder à la version intégrale de la décision de l’arbitre, cliquez ici.
Les obligations du destinataire :
- Les normes commerciales de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes, art.10 (2)(b)(ii)
Les règles d’exploitation :
Articles :
- Une mauvaise cargaison : Les options de l’acheteur ou du destinataire
- Les meilleures pratiques pour atténuer les risques dans le transport des fruits et légumes
- Accepter ou rejeter?
- Déroutement d’un envoi
- Donner promptement avis