Nous poursuivons notre série de résumés de décisions arbitrales rendues antérieurement. Nous continuons d’espérer que cela aide les membres à mieux comprendre comment fonctionnent les normes et les règles concernant le règlement des différends de la DRC qui s’appliquent lors d’un différend. Comme ces règles stipulent que tous les arbitrages menés sous la DRC demeurent privés et confidentiels, nous ne divulguons pas le nom des personnes, arbitres ni entreprises en cause. Nous vous rappelons en outre que la DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus d’arbitrage; elle ne participe pas aux audiences. En conséquence, ces précis sont produits à partir des seules notes de l’arbitre ayant entendu le litige et peuvent ne pas inclure d’importantes informations ayant été soumises par le biais de soumissions écrites ou de dépositions orales.
Cause : Dossier de la DRC no 19868 – Les parties étaient de l’Espagne et du Canada.
Les faits :
- Le réclamant a vendu à l’intimé un conteneur de 2400 caisses de raisins argentins; selon la facture, les fruits ont été vendus à un prix FCA de 16,00 $US la caisse. Le conteneur est arrivé le 2 février.
- La correspondance échangée entre l’intimé et le réclamant, datée du 21 septembre 2016, ne montre aucune indication d’un quelconque accord sur une norme de catégorie. On y mentionne que des raisins de « Quality 1 ».
- L’intimé a demandé une inspection privée et une inspection de l’ACIA. L’inspection privée a été menée le 2 février, montrant que les raisins ne rencontraient pas la norme pour la catégorie US#1. L’inspection de l’ACIA, menée le lendemain 3 février, a révélé des taux de 3% de pourriture, 4% de décoloration, 3% d’égrènement et 2% d’un waterberry.
- Selon les deux parties, l’intimé a payé d’avance 19 680 $US sur la facture totale (38 400 $US) pour le premier conteneur.
L’intimé a soumis sa comptabilisation des ventes et remis un montant de 7472,70 $US, après avoir déduit 13 123,80 $US de valeur résiduelle (20596,50 $US) de la facture originale.
L’enjeu :
- À savoir si les parties s’étaient entendues sur des modalités de paiements.
- À savoir si les parties s’étaient entendues sur le recours à un service d’inspection commercial privé et indépendant.
Analyse et raisonnement de l’arbitre :
On n’a pu relever de traces indiquant qu’il y a eu un bon de commande détaillant les modalités convenues pour l’envoi. Un bon de commande qui n’a pas été discuté, ni compris ni convenu ne peut être considéré comme un contrat.
En outre, ni la facture ni le connaissement ne montrent US #1, et l’INCOTERM utilisé dans cette transaction est FCA, ce qui signifie que même s’il y avait entente entre les parties sur la catégorie US #1, la catégorie aurait alors dû être établie au point d’expédition et non à l’arrivée.
La déclaration « SPÉCIFICATIONS CANADIENNES pour les XXXX » comme bon de commande ne constitue pas un accord entre le réclamant et l’intimé à l’effet que le réclamant soit tenu de fournir des raisins de catégorie US #1. En vertu des normes commerciales de la DRC et de ses lignes directrices, en l’absence d’accord sur la catégorie, la transaction devient par défaut soumise aux directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC. Les raisins devaient donc rencontrer la norme établie dans les directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC à leur arrivée à destination.
Les explications du producteur sur la procédure employée pour charger le raisin fraichement cueilli dans le conteneur n’ont donné à l’arbitre aucune raison de croire que les raisins n’avaient pas été préalablement réfrigérés de manière convenable.
Les résultats apparaissant au rapport d’inspection de l’ACIA daté du 3 février 2017 montrent que les raisins rencontraient les tolérances des directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC qui s’établissent pour les raisins de type européen à 15% de défauts au total, pas plus de 15% d’un même défaut d’état et pas plus de 3% de pourriture.
En vertu des directives en matière d’inspection de la DRC, le recours en cas de différend à une entreprise d’inspection « commerciale privée indépendante choisie au consentement mutuel des deux parties, qui rencontre les normes et les éléments d’inspection de la DRC » est acceptable.
Toutefois, il ne semble pas y avoir eu d’accord entre les parties à cet effet, qui aurait montré qu’elles s’étaient entendues sur le fait que les résultats d’une inspection indépendante privée allaient servir à attester l’état des raisins à l’arrivée.
L’arbitre s’est également dit d’avis que les résultats et les déclarations apparaissant au rapport de l’inspection indépendante allaient au-delà des responsabilités d’un inspecteur en fruits et légumes. L’inspecteur doit observer l’état du produit et en faire rapport. Il n’a pas à fournir ses interprétations des causes ayant mené à cette condition.
Par ailleurs, l’arbitre estime que si l’intimé croyait que les résultats de l’ACIA n’étaient pas corrects et que ceux du service d’inspection privé reflétaient davantage l’état réel du produit, il aurait dû faire appel de l’inspection de l’ACIA dès qu’il en a reçu les résultats.
Une nouvelle inspection d’appel aurait pu confirmer si les raisins rencontraient ou non les directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC, en plus de mieux discerner jusqu’à quel point l’état des raisins avait progressé.
Selon les témoignages entendus et les faits qui lui ont été soumis, l’arbitre a jugé que le réclamant avait réussi à établir sa réclamation.
L’intimé, de son côté, n’a pas réussi à démontrer qu’il a subi des dommages, en raison notamment de l’absence d’accord sur la catégorie US #1, ainsi que du rapport d’inspection de l’ACIA qui montrait que les raisins rencontraient les tolérances des directives sur l’arrivage des marchandises de la DRC.
La décision arbitrale rendue :
L’arbitre a tranché en faveur du réclamant, ordonnant à l’intimé de lui payer la moitié restante du prix de la facture, soit 19 200 $US, en sus des frais de dépôt non-remboursables de 700 $US et des frais d’arbitrage estimés à 1500 $US pour un total à verser de 21 400 $US.
Commentaires de la DRC :
Comme acheteur ou destinataire, si vous recevez des fruits et légumes en état de détérioration, vous devez demander une inspection fédérale à moins d’en avoir convenu autrement. Lorsqu’un destinataire n’est pas convaincu que les résultats de l’inspection de l’ACIA reflètent correctement l’état de l’envoi, il a le droit de demander une inspection d’appel dès qu’il reçoit le rapport d’inspection. Pour demander une inspection d’appel, il faut remplir les conditions suivantes : Quiconque ayant un intérêt financier dans les fruits et légumes qui n’est pas satisfait de l’inspection initiale peut demander une inspection d’appel. De manière à pouvoir procéder à l’inspection d’appel, les fruits et légumes doivent être accessibles, le lot du rapport de l’inspection originale doit être identifiable et 75% du lot doit être disponible pour l’inspection.
Dans cette décision arbitrale, comme dans toutes celles analysées précédemment, nous voyons encore une fois toute l’importance de bien discuter, comprendre et convenir d’une norme de catégorie. Dans ce cas-ci, on a relevé aucune preuve que les parties aient convenu d’une norme particulière. En conséquence, l’arbitre a conclu que la transaction était soumise par défaut à la norme des directives sur l’arrivage de marchandises de la DRC.
Pour en savoir davantage sur les articles des normes commerciales de la DRC auxquels il est fait référence dans le présent précis, veuillez consulter :
Les normes commerciales de la DRC :
- INCOTERMS (https://fvdrc.com/fr/solutions/drc-good-arrival-guidelines-incoterms/)
- Termes en usage dans le commerce (Normes commerciales de la DRC, art. 20)
- Obligations du destinataire (Normes commerciales de la DRC, art. 10 2.(b)(ii))
- Les directives en matière d’inspection de la DRC (https://fvdrc.com/fr/adhesion/normes/les-directives-en-matiere-dinspection/)