Débutant cette année, nous publions une série de résumés de décisions arbitrales en vue d’aider les membres à mieux comprendre le fonctionnement des règles et règlements de la DRC qui s’appliquent lors d’un différend. Comme les règles concernant le règlement des différends de la DRC stipulent que tous les arbitrages menés sous la DRC sont privés et confidentiels, nous ne divulgherons pas le nom des personnes, des arbitres ni des entreprises. La DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus d’arbitrage et ne participe pas aux audiences (le cas échéant). En conséquence, ces précis sont produits à partir des seules notes de l’arbitre ayant entendu le litige et peuvent ne pas inclure d’importantes informations ayant été soumises par le biais de soumissions écrites ou lors de dépositions orales.
Cause : Dossier de la DRC no 19617 – Provenance des parties : Espagne et Canada
Les faits :
- Le réclamant a expédié à l’intimé 1820 caisses de mandarines catégorie no 1 le 26 février 2016. Les fruits provenaient de l’Espagne et selon la facture ont été vendus à un prix FAB de 22 200,01 $. L’intimé a reçu l’envoi au Canada le 10 mars 2016 et une inspection privée a été effectuée. Celle-ci a montré un taux de défauts oscillant de 8 à 11% et un taux de pourriture de 2 à 4%.
- À la réception du rapport d’inspection privée, le 12 mars 2016, le réclamant a demandé une inspection de l’ACIA. Celle-ci a été effectuée le 15 mars 2016 mais sur 1152 caisses uniquement. Cette nouvelle inspection a montré que les mandarines étaient affectées d’un taux de 7% de pourriture et de 1% de rupture de l’épiderme. L’intimé a transmis le rapport d’inspection au réclamant, en arguant que les fruits ne rencontraient pas la norme convenue, ne constituant pas un arrivage convenable.
- Après avoir soustrait ses dommages, l’intimé a offert de payer de 14 938,01 $ au réclamant. Les dommages soustraits étaient étayés par une comptabilisation des ventes détaillée.
L’enjeu :
À savoir si le rapport d’inspection montre que les fruits satisfont ou non aux dispositions contractuelles.
Analyse et raisonnement de l’arbitre :
Il n’y avait aucun désaccord sur le fait que les fruits ont été vendus selon la catégorie no 1. Le désaccord portait plutôt sur le rapport d’inspection et si celui-ci montrait que les fruits rencontraient bel et bien la norme ou non.
La facture du réclamant indique que les fruits ont été vendus FAB. Le risque de perte aura donc passé à l’intimé lorsque le réclamant a chargé le produit (ou le conteneur) sur le navire. Le réclamant était tenu de rencontrer la catégorie no 1 convenue au point d’expédition le ou autour du 26 février 2016 (la date à laquelle le navire a quitté le port), c’est-à-dire deux semaines avant qu’ait eu lieu l’inspection privée au Canada (et deux semaines et demie avant l’inspection de l’ACIA.)
En ce qui a trait à la norme de catégorie pertinente, la question devient : est-ce que les inspections effectuées au Canada montre que les fruits étaient hors norme lorsqu’ils ont été chargés sur le navire au port espagnol. En raison du voyage de deux semaines depuis l’Espagne, les inspections réalisées au Canada sont simplement trop éloignées (en temps et en distance) pour établir avec certitude l’adhérence des mandarines à la norme le ou autour du 26 février 2016, lorsque les fruits, et les risques de perte, sont passé du réclamant à l’intimé. La pourriture rapportée aura en effet très bien pu se développer durant le transit ou dans l’attente de l’inspection.
Les directives sur l’arrivage des marchandises de la DRC prévoient pour les tangerines (ou mandarines) qu’à l’arrivée à la destination indiquée au contrat, elles ne peuvent montrer plus de 15 % de défauts de condition en moyenne, 8 % de défauts graves et 5 % de pourriture. Si une inspection menée dans un délai opportun montre que l’un ou l’autre de ces taux est dépassé, le produit est considéré être anormalement détérioré causant ainsi le bris de la garantie de l’expéditeur en matière de conditions d’expédition convenables, applicable aux ventes FAB.
L’inspection privée ne montre pas que le taux de défauts des mandarines excédait les directives sur l’arrivage de marchandises à leur arrivée à Montréal. (En passant, il importe de noter qu’une inspection privée n’a généralement pas le même poids qu’une inspection gouvernementale, à moins que les parties n’en aient expressément convenu; en conséquence, il ne faut pas nécessairement conclure que le certificat d’inspection privée aurait suffi à établir un bris de contrat même si les taux de défauts rapportés s’étaient avérés plus élevés.)
Sans égard à la raison motivant le délai de la tenue de l’inspection, établir que les fruits étaient affectés d’un taux de pourriture de 7 % le 15 mars 2016 n’offre guère de preuve que le taux de pourriture s’élevait à 5 % le 10 mars 2016, lorsque le produit est arrivé.
En outre, il emporte également de noter que seulement 1152 des 1820 caisses expédiées ont pu être inspectées par l’ACIA. En raison du délai d’inspection et de l’absence d’une partie appréciable de l’envoi, l’inspection de l’ACIA n’a pas pu prouver que les mandarines ne rencontraient pas la norme constituant un bon arrivage, ce qui aurait établi le bris de contrat.
La décision arbitrale rendue :
L’intimé n’a pas pu prouver que les mandarines ne rencontraient pas la norme convenue au contrat et, en conséquence, le réclamant a eu droit au reste du prix de vente original, soit 7261.99 $. En ajoutant les frais d’arbitrage de 2200,00 $, le montant total dû par l’intimé au réclamant s’est élevé à 9431,99 $(US).
Commentaires de la DRC :
Cette décision aborde plusieurs éléments que les membres doivent prendre en considération dans leurs transactions :
- Lorsqu’elles discutent d’une catégorie, les parties doivent avoir une compréhension commune de la norme dont elles conviennent. Elles doivent également bien comprendre si la catégorie des fruits et légumes devra être évaluée au point d’expédition ou à destination.
- Pour les membres de la DRC, l’absence d’entente sur une norme de catégorie pose automatiquement la transaction comme étant un contrat FAB sans grade. Ce sont alors les directives sur l’arrivage de marchandises et la notion de bonne livraison qui s’appliquent.
- En l’absence d’entente mutuellement convenue prévoyant le recours à une inspection privée, les membres de la DRC doivent demander une inspection de l’ACIA.
- Pour prouver que les fruits et légumes sont arrivés dans un état détérioré, une inspection doit être effectuée dans un délai opportun. Un acheteur qui demande une inspection privée sans en avoir convenu au préalable avec le vendeur s’expose à ce qu’il soit rendu trop tard pour effectuer une inspection gouvernementale dans l’éventualité où le vendeur conteste le résultat de l’inspection privée.
- Les résultats d’une inspection gouvernementale sont considérés représentatifs de l’envoi complet lorsqu’il est possible d’inspecter 75 % de cet envoi et on considère qu’il y a des motifs valables d’effectuer des ventes limitées avant l’inspection.
Pour en savoir davantage sur les articles des normes commerciales de la DRC auxquels il est fait référence dans le présent précis, consultez les articles suivants :
Les normes commerciales de la DRC :