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PRÉCIS DE DÉCISION ARBITRALE : Un différend à l’égard de la qualité du produit et des résultats de l’inspection

Dans ce différend, l’arbitre, tout en prenant en considération les préoccupations exprimées par le réclamant quant à l’intégrité du produit, juge que l’inspection réalisée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) prouve que l’envoi ne rencontre pas les modalités contractuelles, donnant ainsi à l’intimé la possibilité de réclamer des dommages.

La Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes (la DRC) a rédigé une série d’articles résumant des décisions arbitrales rendues dans le passé. Par ces articles, la DRC souhaite aider ses membres à mieux comprendre comment s’appliquent les règles concernant le règlement des différends de la DRC (RRD) lors d’un conflit.

Ces règles stipulent notamment que tous les arbitrages menés par la DRC sont confidentiels et à huis clos. En conséquence, aucun nom de parties, d’arbitres ou d’entreprises n’est mentionné. En outre, rappelons que la DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus; elle ne prend pas part aux audiences. Ces précis sont donc produits à partir des seules notes écrites de l’arbitre et peuvent omettre d’importantes informations ayant été révélées lors de soumissions écrites ou de dépositions orales.

En bref

Cette décision arbitrale porte sur un différend à l’égard de la qualité du produit reçu et de la fiabilité des résultats des rapports d’inspection de l’ACIA, qui oppose deux parties, l’une américaine et l’autre canadienne. Le différend concernait l’intégrité de l’envoi, qui aurait déjà été compromise avant que l’inspection n’ait lieu.

À partir des faits qui lui ont été soumis, l’arbitre a pu déterminer que l’intégrité de l’envoi était bel et bien compromise avant même la tenue de l’inspection et, comme aucune autre preuve ne montrait un bris de contrat par le réclamant, l’intimé a été tenu de payer un prix ajusté et les frais initiaux de l’arbitrage.

Ce précis se veut un survol des éléments essentiels de la décision arbitrale et de ses répercussions sur les différends commerciaux internationaux.

La cause

Dossier de la DRC no 20579 – Parties provenant des États-Unis et du Canada

Les faits 

Le réclamant a vendu à l’intimé une (1) remorque de limes contenant 60 caisses de limes calibre 175 du Mexique à un prix de 21,00 $US la caisse (pour un total de 1 260,00 $US) et 300 caisses de limes calibre 200 du Mexique à un prix de 22,00 US la caisse (pour un total de 6 600 $US), pour une facture FAB totale de 7 860 $US.

Le 3 mars 2020, l’envoi est expédié à l’intimé de McAllen, au Texas, à Toronto, en Ontario, où il arrive le mars 2020.

Le 9 mars 2020, l’ACIA procède à l’inspection de 300 caisses de limes de calibre 200. L’inspection révèle que les limes présentent 17% de défauts permanents (12% de taches blanches, 2% d’oléocellose et 3% de cicatrices) et 25% de défauts d’état (4% de pourriture, 17% de jaunissement et 4% de ruptures de l’épiderme). Il y est en outre noté que la température des fruits oscillait entre 10,8 et 11 oC, et presque toute la pourriture était accompagnée de moisissure.

L’intimé a rapporté avoir vendu 50 caisses de limes de calibre 200 à 21,00 $CAD la caisse et 250 caisses de limes de calibre 200 à 22,00 $CAD la caisse.

L’intimé a libellé un chèque (no 59147) le 26 mars 2020 au nom du réclamant pour un montant de 3 705,00 $US. Ce montant comprenait le paiement au prix convenu de 21,00 $US la caisse pour les 60 caisses de calibre 175 et un paiement du 8,15 $US la caisse pour les 300 caisses de limes de calibre 200. Toutefois, le réclamant n’a pas accepté ce paiement et a retourné le chèque à l’intimé.

Le réclamant a ensuite émis une facture révisée pour 60 caisses de limes de calibre 175 à 21,00 $US la caisse (pour un total de 1 260 $) et 300 caisses de limes de calibre 200 à 18,00 $US la caisse (pour un total de 5 400 $), pour un nouveau montant total de 6 660,00 $US.

Dans son exposé de la demande, le réclamant a reconnu être en bris de contrat pour les limes de calibre 200 en raison du rapport de l’ACIA. Il a donc offert une réduction du prix de ces limes de 4,00 $US la caisse et ajusté la facture en conséquence. Toutefois, il n’est pas certain si l’inspection a seulement porté sur les limes de cet envoi. Il suspecte en effet que l’intimé a ajouté des limes d’un autre envoi avant de soumettre le tout à l’inspection. Le réclamant veut donc obtenir le plein montant de 6 660,00 $US apparaissant sur la facture révisée.

Dans son exposé en défense, l’intimé indique que l’inspection réalisée dans un délai approprié a révélé 42% défauts dans les limes de calibre 200, ce qui faisant en sorte qu’elles ne rencontraient pas les directives sur l’arrivage de marchandises. L’intimé a nié avoir altéré l’envoi avant l’inspection. Les limes qui ne rencontraient pas la norme des directives sur l’arrivage de marchandises ont été manutentionnées en prix après vente (PAF), donnant un retour de 8,15 $US la caisse au réclamant. L’intimé ajoute n’avoir eu aucun problème avec les limes de calibre 175 et a tenté de payer au réclamant le plein prix de 21,00 $US la caisse.

Résumé de l’analyse et du raisonnement de l’arbitre 

Le principal enjeu dont l’arbitre devait débattre consistait à de déterminer si l’inspection de l’ACIA, pour laquelle le réclamant avait exprimé ses préoccupations concernant l’identité des agrumes, établissait que les limes de calibre 200 de l’envoi n’étaient pas conformes aux exigences contractuelles, donnant ainsi droit à l’intimé d’obtenir un dédommagement.

Le réclamant déclare qu’à leur arrivée à l’entrepôt de l’intimé le dimanche 8 mars 2020, l’intimé a informé le réclamant que les limes en question étaient en mauvais état et a envoyé des photos des limes au réclamant. Or, selon ce dernier, les photos montraient des limes d’un autre envoi, expédiées à l’intimé le 20 février 2020. Lorsqu’on le questionne au sujet des photos, le réclamant répond que l’intimé a affirmé avec insistance qu’il s’agissait de photos de l’envoi en question même si certaines étiquettes semblaient montrer le contraire. Pour régler le problème, le réclamant a demandé à l’intimé de faire inspecter les limes par l’ACIA.

L’intimé confirme qu’à l’arrivée de l’envoi, après avoir trouvé les limes en mauvais état, des photos des limes ont été envoyées au réclamant tel que demandé. L’intimé explique qu’en raison d’une erreur technologique, une seule photo des limes de calibre 200 a originalement été envoyée au réclamant, mais cette erreur a été promptement corrigée en communiquant avec le réclamant par courriel et par téléphone. L’intimé déclare en outre que si le réclamant a pris connaissance des nouvelles photos, il continue d’en nier la validité.

L’intimé a soumis la copie d’une photo des limes calibre 200 affichant une étiquette où apparait une date manuscrite, « 02-20-20. » Le fichier contenait d’autres photos, dont celles numériques prises par l’inspecteur de l’ACIA et quelques autres prises par l’intimé.

Sur l’une des photos, on peut voir deux palettes dont les sangles sont coupées et des caisses qui semblent avoir été déplacées. Sur la palette de droite, il y a une caisse étiquetée « HB533 » et une autre étiquetée « HB094 ». D’autres photos montrent que « HB533 » est lié au bon de commande numéro 87564, qui est rattaché aux limes en question. Toutefois, les documents soumis ne permettent pas de déterminer à quel bon de commande « HB094 » est associé.

Il y a également dans le fichier une photo d’une caisse étiquetée d’un code QR et du numéro « TRO023024021 », qui correspond au numéro apparaissant sur le certificat d’inspection dans la section « marques sur les emballages ». Une autre photo montre une caisse de limes étiquetée HB533 attachée à une autre caisse affichant un code QR et un numéro qui, quoique flou, ressemble à « TRO047057013 ». Ce numéro diffère de « TRO023024021 ». Cela semble suggérer que le numéro apparaissant au certificat d’inspection est différent du numéro apparaissant sur la caisse qui était attachée à une caisse de limes provenant de l’envoi en question. Cela appuie la version du réclamant à l’effet que certaines des caisses soumises à l’inspection de l’ACIA provenaient d’un envoi de limes différent.

Le certificat d’inspection de l’ACIA montre un taux de défaut allant de 0 à 10% pour la pourriture, de 0 à 8% pour les ruptures d’épiderme et de 2 à 34% de jaunissement. La présence de caisses présentant peu ou pas de défauts dans l’échantillonnage mêlées à d’autres caisses montrant des taux de défauts très élevés peut indiquer qu’il s’agit d’un envoi non-homogène.

Selon les faits observés, l’intégrité de l’envoi était déjà compromise avant l’inspection de l’ACIA, rendant impossible de déterminer avec un certain degré d’exactitude que toutes les 300 caisses de limes de calibre 200 couvertes par l’inspection provenaient de l’envoi du 3 mars 2020 faisant l’objet du litige. En conséquence, on ne peut recourir aux résultats de l’inspection pour déterminer si les 300 caisses de limes en question étaient ou non conformes aux modalités contractuelles. Comme aucune autre preuve de bris de contrat par le réclamant n’a été soumise, l’intimé est tenu de payer au réclamant les limes qu’il a acceptées au prix ajusté de 6 660,00 $US plus les frais initiaux de l’arbitrage d’un montant de 600,00 $US.

La décision arbitrale rendue :

L’intimé doit payer au réclamant la montant de 6 660,00 $US plus les frais initiaux de 600,00 $US dans les trente jours à compter de la date de cette décision arbitrale.

Commentaires de la DRC :

Cette cause nous montre que même si une inspection gouvernementale est demandée et réalisée dans les délais appropriés, certains éléments ou gestes peuvent tout de même rendre les rapports d’inspection de la qualité inaptes à démontrer que le produit est bel et bien arrivé en mauvais état.

Les rapports d’inspection de la qualité ou de l’état émis par l’USDA ou l’ACIA sont considérés par la DRC comme preuve prima facie de la qualité ou de l’état du produit au moment de l’inspection. Cependant, il incombe au requérant de s’assurer que le bon produit soit inspecté et que l’inspection puisse permettre de vérifier la conformité aux dispositions du contrat entre les parties, notamment les bonnes normes de catégorie et la correspondance adéquate du produit inspecté avec les numéros de lot de la transaction.

Dans ce cas-ci, puisque l’inspection montrait que le produit inspecté provenait de différents envois, la crédibilité du requérant à l’effet d’avoir rendu le bon produit disponible pour l’inspection s’en est trouvée entachée. En conséquence, bien que les résultats de l’inspection montrent que le produit ne rencontrait pas la norme des directives sur l’arrivage des marchandises de la DRC, l’arbitre a conclu que l’intégrité compromise de l’envoi invalidait l’inspection comme preuve d’un bris de contrat par le réclamant.

Ressources additionnelles :

Pour accéder à la version intégrale de la décision de l’arbitre, cliquez ici.

Normes commerciales de la Corporation de règlement des différends dans les fruits légumes art
– Tâches du séquestre,  Article 10.2.(b)(ii).

Une mauvaise cargaison: Les options de l’acheteur ou du destinataire

Directives d’inspection de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes (DRC)

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