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PRÉCIS DE DÉCISION ARBITRALE: À savoir si les parties se sont entendues sur la façon de manutentionner un produit arrivant en mauvais état et si l’intimé s’est acquitté de ses obligations de manière conforme aux règles de le DRC

Cette série de résumés de décisions arbitrales rendues antérieurement vise à aider les membres à mieux comprendre comment fonctionnent les normes et règles de la DRC qui s’appliquent lors d’un différend. Les règles concernant le règlement des différends de la DRC (RRD) stipulent notamment que tout arbitrage administré par la DRC doit demeurer privé et confidentiel. En conséquence, nous omettons le nom des personnes, arbitres et entreprises en cause. Nous vous rappelons en outre que la DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus d’arbitrage; elle ne participe pas aux audiences. Ces précis sont donc produits à partir des seules notes de l’arbitre ayant entendu le litige et peuvent ne pas inclure d’importantes informations ayant été révélées lors de soumissions écrites ou de dépositions orales.

Cause : Dossier de la DRC no 20820 – Les parties proviennent de l’Espagne et du Canada

Les faits :

Le 12 février 2021, le réclamant a vendu à l’intimé un conteneur de 1 480 caisses de citrons de calibre 90, 100 et 120 en provenance de l’Espagne. La facture montre un prix de 19,75 $US la caisse pour un total de 29 230 $.

Le conteneur a quitté l’Espagne le 22 février 2021 et est arrivé au port de Montréal le 10 mars 2021, où il a été déchargé du navire le 11 mars 2021 puis expédié à Toronto par train le 18 mars 2021.

Une inspection de l’ACIA a été demandée et réalisée le 20 mars 2021, révélant les résultats suivants :

  • 360 caisses de calibre 90 : 7% de pourriture, 5% de taches de frottement, 11% de rupture de l’épiderme, 1% de peteca
  • 416 caisses de calibre 100 : 6% de pourriture, 4% de taches de frottement, 17% de rupture de l’épiderme, 2% de peteca
  • 704 caisses de calibre 120 : 9% de pourriture, 4% de taches de frottement, 17% de rupture de l’épiderme, 1% de peteca

Le 22 mars 2021, l’intimé a informé le réclamant des résultats de l’inspection de l’ACIA. Le réclamant a demandé à l’intimé de ne pas manutentionner l’envoi avant que l’inspecteur de la compagnie de transport n’ait pu venir l’inspecter. Le réclamant a levé cette retenue le 23 mars 2021, même si aucun inspecteur des transporteurs ne s’était rendu sur place. Le 25 mars 2021, l’intimé a commencé à nettoyer, remballer et vendre les citrons.

Le 29 mars 2021, le réclamant a demandé une mise-à-jour sur les ventes. L’intimé a répondu que les citrons s’écoulaient lentement et qu’il allait essayer d’en ensacher une partie

Le 5 avril 2021, 15 jours après l’arrivée des citrons, l’intimé a averti le réclamant d’une possible mise au rebut des 1 263 caisses restantes, ce qui représentait environ 85% de l’envoi total. Le réclamant a répondu que s’il fallait en venir à la mise au rebut, un certificat de mise au rebut de l’ACIA et une inspection de l’ACIA montrant que le produit n’avait plus de valeur commerciale allaient être nécessaires.

Le14 avril 2021, l’intimé a fourni au réclamant une comptabilisation des ventes pour les 1 480 caisses, ventilée selon cinq prix différents : 70 caisses à 36 $US, 73 caisses à 27,50 $US, 35 caisses à 25 $US, 195 caisses à 16,50 $US, 159 caisses à 4 $US et 948 caisses mises au rebut, pour un total combiné de 9 256 $US. Après avoir déduit les frais relatifs au tri, à l’ensachement, au transport, à l’inspection, au certificat de mise au rebut et au dédouanement, pour un montant total de 9 441,35 $US, l’intimé a déclaré que les frais totaux dépassaient le produit de ventes de 185,35 $US.

L’enjeu :

  • À savoir si les parties ont convenu de la manière de manutentionner les citrons à leur arrivée à destination en mauvais état.
  • À savoir également si l’intimé s’est acquitté de ses obligations de manière conforme aux règles de le DRC après avoir reçu un produit en mauvais état.

Analyse et raisonnement de l’arbitre :

Pourquoi les deux parties n’ont-elles pu convenir d’un nouveau contrat mutuellement satisfaisant étant donné que le réclamant était déjà en bris de contrat?

Lorsqu’il y a bris de contrat, il est important, après avoir obtenu une inspection qui l’étaye, d’établir un plan d’action sur la façon d’aller de l’avant auquel adhèrent les deux parties. De façon regrettable, il ne semble pas y en avoir eu un dans ce cas-ci.

Pourquoi l’intimé n’a-t-il pas obtenu une inspection démontrant l’absence de valeur commerciale ainsi que le demandait le réclamant?

L’article 9 des normes commerciales de la DRC dit ce qui suit au sujet de la valeur commerciale :

L’expression « valeur commerciale » signifie toute valeur qu’une denrée peut avoir à toute fin qui peut être déterminée en faisant preuve de diligence raisonnable sans dépense excessive ni perte de temps.

Lorsque manutentionnée pour le compte ou au nom d’une autre personne, une preuve de la quantité de cette denrée agricole qui est détruite ou mise au rebut, lorsqu’elle excède cinq pour cent de l’envoi, est donnée en fournissant un certificat officiel attestant la façon par laquelle les fruits et légumes ont de fait été mis au rebut.

L’intimé a déclaré ne pas avoir de clients ni n’en avoir eu quinze jours avant quand les citrons sont arrivés. Si c’est le cas, pourquoi l’intimé n’a-t-il pas refusé le produit s’il n’avait pas de clients où l’écouler?

L’arbitre n’a pas accepté la comptabilisation des ventes soumise. L’intimé a indiqué des frais de 4 260 $CAN pour « le triage et le nettoyage » mais sa comptabilisation des vente fait état d’une valeur variant de 36,00 $CAN à 4 $CAN.

Or, quand on trie et nettoie une denrée, c’est dans le but de retirer les produits endommagés et de faire en sorte que les produits qui restent soient de la qualité originalement prévue au contrat. Des denrées ne sont pas triées ni nettoyées pour être vendues en consignation. Si le produit a été trié et lavé, à quelle fin était-ce puisque cette opération n’a pas généré de meilleures ventes malgré les efforts et les coûts consentis?

Étant donné la faiblesse des ventes et le montant excessif de citrons mis au rebut, l’arbitre n’a pas cru que l’intimé avait fait de son mieux pour sauver le produit. Si les deux parties avaient convenu d’avance de faire le tri, le nettoyage et l’ensachement, l’intimé aurait pu déclarer avoir voulu prendre action pour faire une vente de feu puisque le produit continuait à se détériorer.

D’autre part, l’arbitre n’a pas accepté la proposition de règlement du réclamant offrant un crédit de 31% du montant total de la facture. Selon lui, les fruits sont arrivés à temps et à la bonne température mais en présentant déjà un taux significatif de défauts comme l’a révélé l’inspection de l’ACIA. Le produit allait se détériorer davantage au fil du temps.

Le réclamant demandait 20 168,70 $US plus les frais de la DRC de 2 800,00 $US et deux autres montants pour frais accessoires. Comme c’était une transaction CAF et qu’il y avait bris de contrat par le réclamant, l’intimé peut déduire les frais de transport terrestre et de dédouanement apparaissant dans sa comptabilisation des ventes.

La responsabilité incombe donc aux deux parties dans cette cause. Le réclamant est responsable pour le bris de contrat en ayant fourni des citrons très endommagés et l’intimé est responsable pour le peu de résultats obtenus pour les efforts qu’il dit avoir consentis et la mise au rebut d’une part significative des citrons.

La décision arbitrale rendue :

Étant donné que l’arbitre n’a pas considéré comme raisonnable le dédommagement proposé par le réclamant et que l’intimé n’a pas fait tout en son possible pour sauver l’envoi, il a accordé au réclamant la somme de 11 484,35 $US. Cela représente 50% des 20 168,70 $US réclamés par le réclamant, plus 1 400,00 $US, c’est-à-dire la moitié des frais d’arbitrage de la DRC.

Commentaires de la DRC :

Pour les membres de la DRC, cette décision révèle d’importants éléments à toujours considérer dans leurs transactions :   

  • Quand le destinataire a obtenu la preuve d’un bris de contrat après avoir reçu des produits en mauvais état, à moins que les parties renégocient une nouvelle façon de manutentionner le produit (en consignation, prix après-vente ou remballage, par exemple), le destinataire en possession du lot endommagé peut uniquement réclamer des dommages.
  • Lorsque plus de 5% d’un envoi doit être mis ou rebut ou détruit, le destinataire doit pour étayer sa réclamation exiger un certificat de mise au rebut et une inspection gouvernementale démontrant que le produit n’a plus de valeur commerciale.
  • La comptabilisation des ventes doit être appuyée par les billets de vente, les factures ou toute autre documentation corroborant les ventes et les frais encourus.

Pour en savoir davantage sur les articles des normes commerciales de la DRC auxquels il est fait référence dans le présent précis, veuillez consulter :

Les normes commerciales de la DRC :

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