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PRÉCIS DE DÉCISION ARBITRALE: À savoir si le répondant a rempli ses obligations en vertu des règles de la DRC après avoir reçu des denrées en mauvais état.

Nous poursuivons notre série de résumés de décisions arbitrales rendues antérieurement en espérant qu’elle aide les membres à mieux comprendre comment fonctionnent les normes et règles de la DRC qui s’appliquent lors d’un différend. Les règles concernant le règlement des différends de la DRC (RRD) stipulent notamment que tout arbitrage administré par la DRC doit demeurer privé et confidentiel. En conséquence, nous omettons le nom des personnes, arbitres et entreprises en cause. Nous vous rappelons en outre que la DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus et ne participe pas aux audiences. Ces précis sont donc produits à partir des seules notes de l’arbitre ayant entendu le litige et peuvent ne pas inclure d’importantes informations ayant été révélées lors de soumissions écrites ou de dépositions orales.

 

Cause : Dossier de la DRC no 11138 – Parties provenant des États-Unis et du Canada

 

Les faits :

 

Le réclamant a vendu deux envois de tomates fraîches à l’intimé.

 

Premier envoi (facture no 40135)

  • Le 21 octobre 2001, un envoi de 1 600 caisses de tomates fraîches moyennes à 5,45 $US la caisse pour un total de 8 750 $US ont été vendues FAB de la Californie à Montréal. La facture comprenait également une charge de 20 $US pour thermographe.
  • Le 27 octobre 2001, une inspection de l’ACIA a été réalisée sur 1 000 de 1 600 caisses expédiées. Les résultats de l’inspection montrent : 2% de pourriture, 2% de texture molle; 20% de meurtrissures, 8% de décoloration et 3% de taches creuses décolorées.

 

Second envoi (facture no 40136)

  • Le 23 octobre 2001, un envoi de 1 600 caisses de grosses tomates fraîches a été expédié de la Californie à destination de Montréal. 
  • La facture no 40136 indique que l’envoi a été vendu FAB à un prix de 8,95 $US la caisse pour un montant total de 14 320 $US.
  • Le 29 octobre 2001, une inspection de l’ACIA a été effectuée sur les 1 600 caisses. Les résultats montrent un total de 25% de défauts d’état et 9% de pourriture.

 

L’intimé a prodigué au réclamant une comptabilisation des ventes qui montrait 33 factures totalisant des ventes cumulatives de 3 533 caisses de tomates alors que seulement 3 200 caisses lui avaient été expédiées.

 

L’enjeu :

 

  • À savoir si l’intimé a rempli ses obligations en vertu des règles de la DRC après avoir reçu des denrées en mauvais état.

 

Analyse et raisonnement de l’arbitre

 

Les deux transactions en cause étaient des ventes FAB et on ne relève aucune indication précisant une quelconque catégorie. En vertu des précédents établis par la DRC, lorsque les parties n’ont pas précisé de catégorie pour un envoi provenant des États-Unis à destination du Canada, ce sont les directives sur l’arrivage des marchandises de la DRC qui s’appliquent.

 

Facture no 40135

Ayant accepté les tomates, il incombe à l’intimé de prouver le bris de contrat. L’inspection en lien avec la facture 40135 ne couvrait que 1 000 des 1 600 caisses. Or, en vertu des précédents établis par la DRC, il faut présumer que les 600 autres caisses de tomates étaient exemptes de défauts.

 

Les normes applicables des directives sur l’arrivage de marchandises permettent un maximum de défauts d’état de 15%, y compris un maximum de 5% de chaire molle ou de pourriture. Les résultats de l’inspection de l’ACIA des 1 000 caisses de tomates ont montré un total cumulé de défauts de 35%, dont 2% de pourriture, 2% de zones molles, 20% de meurtrissure, 8% de décoloration et 3% de taches creuses décolorées. Toutefois, en intégrant les 600 autres caisses, on arrive à un total pondéré de défauts de 21,9%, dont 1,25% de pourriture, 1,25% de texture molle, 12,5% de meurtrissure, 5% de décoloration anormale et 1,9% de taches creuses décolorées.

 

En conséquence, l’intimé a prouvé que les tomates vendues en vertu de la facture 40135 ne rencontraient pas les normes d’un arrivage convenable. Ce qui laisse encore à résoudre la question du montant dû à l’intimé pour le bris de contrat. Habituellement, la mesure des dommages subis par un bris de contrat est la différence, au moment et au lieu d’acceptation, entre la valeur des biens acceptés et la valeur qu’ils auraient eue s’ils avaient été conformes aux dispositions du contrat.

 

Dans ce cas-ci, déterminer les dommages appropriés à partir des preuves soumises demeure problématique; c’est le moins qu’on puisse dire. D’abord, l’intimé n’a pas fourni de preuve de la juste valeur qu’auraient eue les tomates si elles avaient été conformes aux dispositions du contrat.

En l’absence d’une telle preuve, nous pouvons utiliser le prix FAB indiqué au contrat, additionné des charges de transport, pour déterminer la valeur des tomates si elles avaient été conformes. Le prix des tomates convenu au contrat était de 8 740 $US et les charges de transport nettes pour cet envoi, telles que soumises par l’intimé, s’élevaient à 2 890 $US. En conséquence, la valeur des tomates si elles avaient été conformes aux dispositions du contrat a été fixée à 11 630 $US.

 

En second lieu, bien que l’intimé ait fourni une certaine comptabilisation des ventes, sa comptabilité demeure fort peu détaillée. La preuve soumise par l’intimé ne consistait que des copies des 33 factures susmentionnées documentant la vente de tomates fraîches de la Californie de calibre 6×6 et 6×7, ainsi que d’une facture montrant la revente de tomates de calibre 5×6, un calibre qui ne fait pas l’objet de ce différend. Les 33 factures ont été soumises comme seule et unique preuve pour les deux factures 40135 et 40136. En outre, les 33 factures soumises par l’intimé montrent des ventes cumulées de 3 533 caisses alors que seulement 3 200 caisses ont été expédiées, dont 82 ont été jetées aux rebus et n’apparaissent donc pas dans ces factures.

 

La seule conclusion que l’on puisse logiquement tirer du nombre excessif de caisses comptabilisées dans les factures, c’est que les factures présentées comprennent la vente de 415 caisses de tomates qui ne font pas l’objet de ce différend. Qui plus est, même si les tomates apparaissant dans les factures sont du bon calibre (soit 6×6 et 6×7), il est impossible d’en vérifier la traçabilité puisque les factures documentent la vente de 1 781 caisses de 6×7 et 1 752 caisses de 6×6 alors que seulement 1 600 caisses de chaque calibre ont été expédiés et que 82 ont été jetées. Ainsi, sans comptabilisation détaillée de l’intimé, il s’avère impossible de déterminer quelles sont parmi les tomates apparaissant sur les factures celles qui sont liées aux transactions en cause sans spéculation excessive. Entretenir de telles spéculations serait inapproprié.

 

Bien que la preuve soumise par l’intimé présente de sérieuses déficiences, elle n’est pas sans valeur probante. En l’absence d’autres preuves, l’arbitre a fait la moyenne des prix de ventes des factures pour les tomates moyennes (6×7) et ainsi calculer un juste retour à l’intimé pour les tomates revendues. La moyenne du prix de vente par caisse est de 8,14 $CAD [14 497,00 $CAD/1 781 caisses], qui se traduit par 5,12 $US la caisse selon le taux de change moyen de 0,62940 en vigueur du 29 octobre 2001 au 9 novembre 2001. En conséquence, le montant total reçu par l’intimé pour la facture 40135 est donc fixé à 8 017.92 [15,12 $US x 1 566 caisses réellement vendues].

 

Ainsi, en raison de la preuve soumise, les dommages subis par l’intimé pour la facture 40135 s’élèvent à 4 311.49 $US, ventilés de la manière suivante :

          

  1. 3 612,08 $US, constitué de la différence entre la valeur des tomates à l’acceptation si elles avaient fait bon arrivage (11 630,00 $US) et le montant déterminé comme retour à l’intimé pour ses ventes de tomates (8 017,92 $US).
  2. Les frais d’inspection (475,71 $CAN x .62940) = 299,41 $US.
  3. Frais de manutention et courtage: 400,00 $US.

 

Une fois ses dommages déduit du prix total de la facture, 8 740,00 $US, l’intimé doit encore verser au réclamant un montant de 4 451,11 pour la facture no 40135. L’arbitre a noté que l’intimé n’a soumis aucune preuve d’autres charges qu’il a sans doute encourues en raison du bris de contrat comme le remballage ou les frais de mise aux rebus, et ne peut donc pas recevoir d’indemnisation pour ces frais.

 

 

Facture no 40136

L’inspection liée à la facture 40136 a porté sur l’envoi complet, couvrant les 1 600 caisses expédiées. Ni le moment de son exécution ni sa validité n’ont été remis en cause.

 

Tel que mentionné précédemment, les normes d’arrivage convenable permettent un total maximum de défauts de 15%, y compris un maximum de 5% de pourriture ou de chaire molle. Or, les résultats de l’inspection par l’ACIA des 1 600 caisses de tomates montrent un total de défaut d’état de 25%, y compris un taux de pourriture de 9%. Sur la base de cette inspection, on peut conclure que l’envoi n’a pas constitué un arrivage convenable.

 

Ainsi, l’intimé a surmonté le fardeau de la preuve et pu établir un bris de contrat. Ce qui, encore une fois, laisse à résoudre la question du montant des dommages subis par l’intimé en raison de ce bris de contrat. La preuve soumise par l’intimé en lien avec la facture 40136 souffre des mêmes déficiences que celle soumise pour la facture 10135, expliquées précédemment. Ce qui fait que l’analyse visant à déterminer les dommages utilisée pour la facture 40135 s’applique également ici.

 

Si elles avaient fait un arrivage convenable, la valeur des tomates à l’acceptation aurait été de 17 260,00 $US, c’est-à-dire le prix convenu de la facture de 14 320,00 $US en plus des frais de transport de 2 940,00 $US, documentés par la facture de transport soumise par l’intimé.

 

Selon les factures de ventes soumises, l’intimé a reçu un montant cumulé de 13 398,00 $CAN pour ses ventes de 1 751 caisses de grosses tomates (6×6). Le prix moyen par caisse était de 7,65 $CAN, ce qui se traduit par 4,81 $US la caisse avec le taux de change moyen en vigueur du 29 octobre au 9 novembre 2001. Des 1 600 caisses de tomates 6×6 vendues selon la facture 40136, 418 ont été mises aux rebus, laissant un total de 1 552 caisses à vendre. Ainsi, l’intimé a reçu pour ses ventes de tomates 6×6 un montant 7 465,12 $US [soit 4,51 $US la caisse x 1 552 caisses].

 

Ainsi, en raison de la preuve soumise, les dommages subis par l’intimé pour la facture 40136 s’élèvent à 10 374,86 $US, ventilés de la manière suivante :

          

  1. 9 794,68 $US, constitué de la différence entre la valeur des tomates à l’acceptation si elles avaient fait bon arrivage (17 260,00 $US) et le montant déterminé comme retour à l’intimé pour ses ventes de tomates (7 465,12 $US).
  2. Les frais d’inspection (285,92 $CAN x .62940) = 179,98 $US.
  3. Frais de manutention et courtage: 400,00 $US.

 

Une fois ses dommages déduit du prix total de la facture, 14 320,00 $US, l’intimé doit encore verser au réclamant un montant de 3 945,14 pour la facture no 40136. L’arbitre a noté ici encore que l’intimé n’a soumis aucune preuve d’autres charges qu’il a sans doute encouru en raison du bris de contrat comme le remballage ou les frais de mise aux rebus, et ne peut donc pas recevoir d’indemnisation pour ces frais.

 

La décision arbitrale rendue :

 

L’intimé a dû verser au réclamant un montant de 8 373,65 $US, plus son droit initial de 535,00 $US pour une somme totale de 8 908,65 $US.

 

Commentaires de la DRC :

On ne saurait mettre trop d’emphase sur l’importance de soumettre à l’inspection un échantillon représentatif de l’envoi (plus de 75%). Nous savons bien qu’il arrive parfois qu’une occasion se présente d’écouler une partie de la marchandise à bon prix. Quand cela se produit, il est préférable de communiquer avec votre fournisseur pour confirmer qu’il est d’accord avec une inspection partielle.

 

En outre, lorsque l’on veut réclamer des dommages, il est impératif de soumettre une comptabilisation des ventes détaillée montrant la date, l’heure, le prix et la quantité vendue par lot, et lorsque l’on soustrait des dépenses comme le transport, les frais d’inspection, d’entreposage ou de courtier, etc., que toutes ces dépenses soient étayées de leurs pièces justificatives respectives (c’est-à-dire les factures).

 

Les normes commerciales de la DRC :

 

 

 

 

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