Nous poursuivons notre série de résumés de décisions arbitrales rendues antérieurement. Nous espérons ainsi aider les membres à mieux comprendre comment fonctionnent les règles et règlements de la DRC qui s’appliquent lors d’un différend. Comme les règles concernant le règlement des différends de la DRC stipulent que tous les arbitrages menés sous la DRC demeurent privés et confidentiels, nous ne divulguons pas le nom des personnes, des arbitres ou des entreprises. Nous vous rappelons en outre que la DRC n’agit qu’à titre d’administrateur du processus d’arbitrage et ne participe pas aux audiences (le cas échéant). En conséquence, ces précis sont produits à partir des seules notes de l’arbitre ayant entendu le litige et peuvent ne pas inclure d’importantes informations ayant été soumises par le biais de soumissions écrites ou lors de dépositions orales.
Cause : Dossier de la DRC no 19478 – Provenance des parties : États-Unis et Canada
Les faits :
- Le réclamant a expédié à l’intimé 540 caisses de raisins le 6 juillet 2015. Selon la facture originale, les fruits ont été vendus FAB à 9,00 $ la caisse.
- L’intimé a reçu l’envoi au Canada le 10 juillet 2015 et une inspection privée a été effectuée. Cette inspection privée a montré 2% de pourriture, 4% translucide et décoloré, 3% mouillé et collant, 5% écrasé et des températures de la pulpe variant de 33,7 à 34,5 oF (de 0,95 à 1,3 oC).
- Le 14 juillet 2015, le réclamant a donné instruction à l’intimé de requérir une inspection de l’ACIA et de lui en faire rapport, inspection gouvernementale qui n’a jamais été effectuée. Le réclamant a également demandé une copie des registres de températures, mais elle ne lui a pas été fournie.
- L’intimé a remis une comptabilisation des ventes et versé 7 472,70 $US, après avoir déduit 13 123,80 $US de la facture originale de 20 596,50 $US.
L’enjeu :
- À savoir si l’intimé a adéquatement informé le réclamant du problème concernant les fruits à l’arrivée.
- À savoir si l’intimé a adéquatement documenté ce qui est arrivé aux thermographes.
- À savoir si le recours à un service commercial privé et indépendant pour l’inspection à destination avait bel et bien fait l’objet d’un accord entre les parties.
Analyse et raisonnement de l’arbitre :
Les raisins sont arrivés le vendredi 10 juillet 2015. La première communication de l’intimé donnant avis au réclamant d’un problème n’a eu lieu que le dimanche 12 juillet, alors que l’intimé a télécopié le rapport de l’inspection privée au réclamant. Il s’est donc écoulé deux jours entre l’arrivée du raisin et qu’on informe le réclamant du problème. Si l’intimé avait tout de suite avisé le réclamant du problème dès la réception du raisin et l’avait informé qu’il avait demandé une inspection privée, le réclamant aurait pu réagir et prendre les mesures qu’il aurait estimées nécessaires.
Lorsque l’intimé a envoyé son courriel le (dimanche) 12 juillet 2015 avec les résultats de l’inspection privée, il a reçu un message automatique d’absence indiquant que cette personne était hors du bureau jusqu’au 20 juillet 2015 et lui demandant d’appeler à leur bureau au numéro de téléphone indiqué. En outre, une réponse formelle a été transmise à l’intimé par courriel le 13 juillet l’invitant à appeler à leur bureau étant donné que le destinataire de l’appel était absent.
La facture du réclamant montre que le raisin a été vendu FAB. Le risque de perte aura passé à l’intimé au moment où le réclamant a chargé la cargaison dans le camion. En conséquence, l’intimé avait la responsabilité d’aviser son fournisseur du problème dans un délai approprié mais ne s’en est pas acquitté correctement.
Il apparait clairement des deux parties que le réclamant a demandé une inspection de l’ACIA le 14 juillet 2015, laquelle n’a jamais été requise par l’intimé ni exécutée. L’intimé a communiqué les problèmes relatifs à l’envoi par courriel et reçu des réponses qui lui montraient de façon très directe que sa communication avec le réclamant n’avait pas rejoint les bonnes personnes.
Pour sa part, l’intimé a déclaré que le réclamant avait déjà accepté des inspections privées auparavant et que cela devrait également s’appliquer à ce cas-ci. Cependant, on ne relève aucune trace antérieure selon laquelle le réclamant aurait accepté des inspections effectuées par des services d’inspection privés. Les directives sur l’arrivage des marchandises de la DRC sont précises et limpides à l’effet que les inspections privées n’ont pas le même poids que les inspections gouvernementales.
Bien que l’on n’ait soumis aucune évidence capable de prouver que les températures de transit aient été celles convenues ou non, l’intimé n’a pu produire les rapports des thermographes qui auraient démontré que les instructions du réclamant concernant les températures de transit ont bel et bien été respectées.
La décision arbitrale rendue :
L’intimé n’a pu prouver que les délais appropriés et les températures convenues pour le transit ont été respectés. Le bureau du réclamant a demandé à l’intimé de communiquer avec lui dans les deux communications qu’il lui a envoyées, ce qu’il n’a pas fait non plus. En outre, l’intimé n’a pas demandé l’inspection de l’ACIA requise par le réclamant. En conséquence, le réclamant a droit au solde de sa facture, soit 14 117,52 $US, à être versé par l’intimé dans les 30 jours de la date de la présente décision.
Commentaires de la DRC :
Les acheteurs et destinataires FAB ont le fardeau de prouver que les délais et températures de transit sont acceptables, en particulier lorsque des thermographes sont placés dans l’envoi au point d’expédition et que le connaissement en fait état. Si le connaissement indique la présence d’un thermographe et que le chauffeur a signé ce connaissement, le transporteur a l’obligation de remettre ces thermographes en même temps que sa cargaison. Lorsqu’on ne peut retrouver un thermographe, le destinataire doit documenter son absence et aviser le transporteur qu’il pourrait y avoir des enjeux.
La production d’avis dans un délai approprié est essentiel lorsque l’on réclame des dommages Dans ce cas-ci, le destinataire a attendu deux jours après la réception du raisin pour aviser le réclamant qu’il y avait un problème, en plus de recourir à une inspection privée. Bien que l’intimé ait affirmé avoir eu recours aux inspections privées auparavant et qu’il s’agissait d’une pratique établie, il n’a pu produire de preuve pour l’étayer. À moins d’en avoir autrement convenu, les membres de la DRC doivent demander une inspection gouvernementale avant de recourir à un service d’inspection privé. Le recours à d’autres services d’inspection doit avoir été discuté, compris et convenu, préférablement par écrit.
Pour en savoir davantage sur les articles des normes commerciales de la DRC auxquels il est fait référence dans le présent précis, veuillez consulter :
Les normes commerciales de la DRC :
- Les directives en matière d’inspection de la DRC (https://fvdrc.com/fr/adhesion/normes/les-directives-en-matiere-dinspection/)
- FAB (Normes commerciales de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes, article 20, paragraphe 5)
- Instruments de relevé de la température (Normes de transport de la DRC, article 12, paragraphe 2)
- Délai raisonnable (Normes commerciales de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes, article 19 paragraphe 18)
- Obligations du destinataire (Normes commerciales de la Corporation de règlement des différends dans les fruits et légumes, article 10 (2)(b)(ii))